Les ayatollahs ont choisi le quatre novembre 2014 pour montrer leur pouvoir au monde entier; prélude au 24 novembre et à la suite des négociations avec l’Occident sur le dossier nucléaire, à Vienne.
Trente-cinq ans auparavant, jour pour jour, l’ambassade américaine en Iran avait été occupée par des prétendus étudiants et des otages avaient été retenus pendant 444 jours. Depuis, pour les mollahs, cet acte de pure violence est un symbole de la puissance de l’Iran. Dans le calendrier solaire iranien (laïc), le jour est coché pour des manifestations de propagande victorieuse organisées par les ayatollahs.
Lavage du cerveau
Il y a environ 1335 ans, au 7e siècle, le troisième imam chiite, Hussein, avec une poignée de ses partisans, s’est battu contre le califat, et a perdu. Au 16e siècle, le chiisme a été déclaré religion officielle de l’Iran, et le martyre de Hussein est devenu une date importante dans le calendrier lunaire (religieux). Les dates lunaires se déplacent avec les saisons, et coïncident parfois avec des dates marquantes du calendrier solaire.
En 2014, Ashoura, le deuil de Hussein, a coïncidé avec les célébrations de la prise d’otages de l’ambassade américaine. La clique Islamiste en a profité au maximum pour marquer ces deux épisodes basés sur la violence.

Le régime Islamique iranien passe par des moments difficiles. Il n’est qu’un système vieillissant animé par l’illusion de la Glorieuse Révolution Islamique. L’élection fabriquée de Hassan Rouhani à la présidence revient revient en boomerang aux ayatollahs, bien plus tôt qu’on aurait imaginé.
Leur politique néfaste au Moyen-Orient se retourne contre eux. Le Daesh, un monstre que les manœuvres iraniennes et la politique stupide des Occidentaux dans la région ont contribué à engendrer, porte ombrage aux négociations nucléaires entre les ayatollahs et l’Occident, et vole la vedette aux ayatollahs vaniteux avides d’être à la un des médias internationaux.
Le taux d’inflation ne cesse de monter et la pollution tue plus que n’importe quel cancer connu. La jeune génération est déprimée et peu ambitieuse. La corruption a pris des proportions inouïes, même pour Iraniens sans scrupules en la matière. Pour les observateurs internationaux, la République islamique d’Iran est indiscutablement reconnue pour ses jugements sévères et son fanatisme. En 2014, et jusqu’à ce jour, le nombre des condamnations à mort effectuées s’approche du millier; beaucoup de jeunes sont persécutés et emprisonnés pour leur enthousiasme pour le sport, football et volley-ball, ou pour avoir écouté de la musique occidentale.
En octobre, le scandale des attaques par acide sur les femmes a été étouffé dans la précipitation en accusant la BBC, le MI5 / MI6 – et tous les autres espions et agents étrangers que l’on peut imaginer – d’être les instigateurs criminels de ces attaques. Dans Iran d’aujourd’hui, la stupidité est si généralisée que personne ne s’en émeut.
La masse de la propagande phallocratique
Par conséquent, le 4 novembre, les mollahs se devaient d’organiser des manifestations spectaculaires pour impressionner le monde entier. Un grand étalage public de la foi chiite et des commémorations de la prise d’otages de l’ambassade américaine avaient créé une occasion en or à ne pas manquer. Cependant, les ayatollahs ont oublié trois éléments essentiels qui ont fait du feu d’artifice grandiose tant souhaité un pétard mouillé.
Premièrement: les Iraniens en ont ras le bol (même s’ils ne débordent pas encore) de ces manifs sur ordre. La rhétorique islamique les rend malades. Ils s’aperçoivent, enfin, que le dossier nucléaire est bien plus complexe que la notion simpliste que l’enrichissement d’uranium soit un remède magique pour toutes les calamités agricoles [sic], politiques et sociales. Ce qui compte pour eux, ce sont la sécurité pour leur famille, un emploi rémunéré correctement et une vie décente. Tout ce que ne peut être réalisé à court terme.
Deuxièmement: le monde a évolué. Aujourd’hui, les événements de 1979 sont des pans d’un passé qui s’éloigne pour tous, sauf pour les 79 millions d’Iraniens subissent la violence d’un gang Islamique. Si le dogmatisme des ayatollahs écœure le public à l’extérieur de l’Iran, leur conviction de leur propre importance est considérée comme de la mégalomanie.
Troisièmement: la Révolution islamique d’Iran date de trente-cinq ans. Assez longtemps pour construire ou détruire une nation. Les mollahs ont choisi de ruiner une nation par leur arrogance, en semant la haine dans des terreaux fertiles et en dépensant généreusement de l’argent pour armer des groupes qui seraient leur porte-voix et mettraient en œuvre leur idéologie. Ils ont sacrifié les Iraniens pour gagner du prestige parmi les «Omat-e Eslam », c’est-à-dire parmi tous les musulmans. Aujourd’hui, malgré les déclarations dithyrambiques des ayatollahs pour la justice universelle et la paix pour tous, musulmans ou non-musulmans, la situation au Moyen-Orient va de mal en pis.
Une guerre à grande échelle avec ses conséquences de sauvagerie, et de tragédie est en cours et s’étend de jour en jour. Cette guerre est parricide, matricide, fratricide et infanticide. Elle fait appel à la bestialité primitive de l’homme, les mœurs civilisées sont aux oubliettes. Les ayatollahs accusent de cette guerre les États-Unis et Israël pour couvrir leurs propres méfaits et jeter de l’huile sur le feu.
Sonnez les trompettes
Comme l’on peut s’attendre d’un régime dictatorial et manipulateur, les médias iraniens, porte-parole des ayatollahs, se devaient de donner aux événements de la journée la couverture la plus complète. Ils ont fait de leur mieux et gaspillé plus de papier, plus de temps d’antenne et de radio, et les ressources d’Internet pour faire sonner les trompettes de la République Islamique.
Nous aurions pu nous en battre l’œil, si ce n’était une nouvelle occasion pour décortiquer le mécanisme même de la propagande qui a ravivé les souvenirs de ceux qui avaient vingt ans en 1979.
En 2014, les marches avec des pancartes imprimées par divers offices gouvernementaux et les slogans n’étaient que des rabâchages pathétiques et empestaient l’hypocrisie. Des dizaines de milliers de photos de « rassemblements glorieux » ont été publiées sur les sites de news iraniens.
Les articles écrits dans la presse étaient un témoignage du niveau culturel de l’Iranien moyen: une grammaire et un vocabulaire lamentables, sans parler des clichés récurrents. Aucune analyse et encore moins de débat contradictoire, juste un torrent de propagande bon marché que les Iraniens tiennent pour « Nouvelles » et qui ne les dérange pas plus que ça. Pour une nation qui se vante du plus haut niveau d’éducation au Moyen-Orient », avoir des médias d’aussi bas niveau est une humiliation, et une fois de plus, la preuve de déclarations creuses.
En Iran, les comportements collectifs et individuels sont ankylosés par des simplifications pour tous et dans tout. La simplification bâillonne la curiosité et la volonté de saisir les enjeux complexes.
Langage de la haine pendant Ashoura
« Farsi Shakar ast- Farsi est du sucre» vient d’un poème d’Amir Khosrow (14e siècle). Le 4 novembre 2014, Farsi était âcre. Ce n’était que le langage de la haine, de l’arrogance et de la violence.
Voici une liste des phrases les plus utilisées dans les harangues des ayatollahs et rapportées par les médias:
- Mort à / A bas USA, Israël, Grande-Bretagne.
- La conquête du nid d’espions [l’ambassade américaine] a montré notre quête incessante de la justice.
- «La Gloire des chiites » [ce qui implique que tous les autres musulmans sont corrompus].
- Le funeste Occident craint l’enseignement de notre Ashoura.
- Nous devons détruire les ennemis intérieurs et ceux de l’extérieur.
- «Je te suis mon Khamenei, Je te suis mon Hussein ». [Labeik]
- L’animosité de nos ennemis [Setiz] envers nous, les détruira.
- Les Occidentaux sont arrogants et hautains [Mostakber Khabis]; leurs manières rusées et diaboliques [Estekbar] sont connues de tous.
En farsi, les médias ont repris et répété slogans et paraphrases. En anglais, pour le lecteur Occidental, les « news » étaient légèrement différents: « Le président Hassan Rouhani a déclaré à Téhéran que l’UNESCO devrait préparer le terrain pour un monde modéré et sans violence. »
La devise de Hassan Rouhani est: «Faites ce que je dis, pas ce que je fais. »
A l’Ashoura, le rituel de brûler les drapeaux des États-Unis, d’Israël et de la Grande-Bretagne (presque jamais le drapeau français – pourquoi?) a été consciencieusement observé; et Barack Obama a été ridiculisé en Shemr (le symbole de la cruauté pour les chiites) par la foule.
Les dogmes chiites ont été répétés sans relâche, « ordonner le bien et interdire le mal (Amr-e be Ma’arouf va Nahi az Monker) » était le thème principal de la journée. Pour les ayatollahs, son application permet de résoudre de nombreux problèmes sociaux et il doit être appliqué avec la compassion islamique (Del-souzi). Assurément que les femmes victimes des récentes attaques par acide n’ont qu’à remercier la compassion islamique lorsqu’elles ont été agressées pour leurs tenues «indécentes».
Esclavage au XXI siècle
Le message des ayatollahs pour Ashoura était: en tant que nation, nous devons nous défendre avec courage contre l’esclavage [i.e.: assujettissement envers l’Occident] et de ne jamais céder à l’ennemi [i.e: l’Occident et d’autres que nous méprisons].
En d’autres termes, l’Ashoura est le symbole de la lutte contre les despotes et les tyrans impitoyables et arrogants.
Ashoura est la résurgence du courage viril. [sic] [Ta’assob va Mardane-gui].
Rien ne peut être plus éloigné de la vérité. En 2014, une bande de despotes certifiés gouverne notre pays. Quelques soient les enseignements spirituels et symboliques de l’Ashoura, nous n’en avons rien retenu. Ashoura ne fait pas vibrer notre courage viril. Nous n’avons pas l’audace de nous dresser contre le despotisme des ayatollahs. Nous plions devant eux et leur sommes assujettis dans des conditions abjectes. Nous atermoyons, entre nous, nous nous accusons et dénonçons l’autre, et n’avons aucune pitié pour ceux qui revendiquent que leurs droits.
Aujourd’hui, la compassion est considérée comme l’acte du faible et du débile, la malhonnêteté est l’acte du fort et de l’averti. Ceux qui défendent la vérité sont ridiculisés, les menteurs sont appréciés; des qualités prisées des ayatollahs. Plus la population est désarçonnée dans ses principes éthiques, et plus le pouvoir despotique se renforce.
La hiérarchie chiite n’a épargné aucun effort pour battre les tambours de l’Ashoura. Du Leader suprême au mollah le plus humble dans la hiérarchie chiite, tous étaient mobilisés pour la journée, prêchant partout. Les prédicateurs les plus virulents, dont l’idéologie et le vocabulaire sont semblables à ceux de Daesh étaient tous à la une.
Habituellement, les médias iraniens, avec les « nouvelles » fabriquées à Téhéran, ignorent superbement les provinces. Toutefois, à Ashoura, ils avaient des reportages sur « les rassemblements grandioses » des coins les plus reculés et arriérés des provinces.
Ils étaient particulièrement désireux de rapporter en détail la ferveur des foules pour la cause de Hussein et du Vali-e Faqih, dans les villes et les provinces où l’autorité des ayatollahs est contestée ; aucun effort n’a été épargné pour couvrir les affrontements entre les Pasdaran et les citoyens.
A l’Ouest, (Kurdistan, Kermanshah, Ilam, Khuzestan), les provinces limitrophes de l’Irak, les rassemblements avaient été minutieusement rapportés avec des mots choisis à la gloire de la Révolution islamique. Le Sud-Est, (Khorasan-e Djonoubi et Sistan va Baloutchistan, provinces frontalières de l’Afghanistan et du Pakistan), a reçu une attention particulière et les figures de proue à la solde des ayatollahs de ces régions ont été dûment interviewées.
En peu de temps, après la tragédie des attaques par acide, Ispahan n’avait rien de mieux à faire que de pleurnicher le martyre d’un passé très lointain. Personne n’a mentionné les conséquences de ces attaques par acide: les femmes craignent pour leur vie dans les lieux publics.
Selon les médias iraniens, l’univers a rejoint les ayatollahs pour pleurer et idolâtrer Hussein. Des rassemblements de l’Ashoura ont eu lieu à Londres, dans les mosquées, Takiehs et Hussein-ieh [centres de prière chiites] par les amoureux de Hussein partout en Grande-Bretagne, et
ont impressionné les Britaniques [sic].
Quoi qu’il en soit, il suffisait de pointer n’importe quelle ville sur un atlas et la presse iranienne avait un reportage sur la gloire de Hussein, même en Italie; bien que la Cité du Vatican ait été épargnée, et, curieusement, Paris aussi.
Société Islamique Phallocrate
Les centaines de milliers de photos prises à Ashoura étaient le reflet d’une société islamique phallocrate, où les femmes sont tolérées comme un mal nécessaire et parfois un alibi. Une société qui a institutionnalisé le lavage de cerveau, systématiquement dès le berceau.
Nous pouvons trouver un peu de consolation en pensant que tout n’est peut-être pas perdu: peut-être que les gens étaient payés pour participer aux rassemblements; qu’après-tous les Iraniens sont connus pour attendre un paiement pour leur participation aux actes sociaux et politiques.
Peut-être que certains devaient être vus dans les marches pour garder leurs emplois et leurs privilèges sociaux.
Peut-être que certains ont participé juste pour voir si son voisin était là aussi.
Peut-être certains ont grossi la foule parce qu’ils n’avaient rien de mieux à faire et que le besoin d’excitation pour casser la routine se faisait sentir.
Cependant, la recherche de ces excuses est odieuse pour tous ceux qui aiment la liberté et aspirent à une démocratie. La majorité des gens ont besoin d’un leader pour leur dire quoi faire et quelle main baiser. Même si, en Iran, il y a des gens qui se surpassent et osent défier les convenances et les interdictions ridicules ; il ne représente qu’un phénomène marginal et rare.
Les nouvelles que nous recevons de l’Iran dans les médias occidentaux émanent de la petite parcelle du Nord de Téhéran où se concentrent les privilégiés. Nos vues en Occident sont façonnées par le scintillement de cette petite partie de Téhéran, où le consumérisme règne. Oubliez les belles femmes du nord de Téhéran, maquillées et sculptées par la chirurgie esthétique. Oubliez les discours insipides de vos amis dandys qui vous conduisent d’une somptueuse fête à l’autre. Ils sont agréables à voir et à entendre, mais ils n’ont aucun pouvoir ou même la volonté de réclamer des réformes sociales et politiques. Sûrement que, certains d’entre eux du moins ont même participé mollement à ces rassemblements, juste pour être vus et qu’on leur fiche la paix par la suite.
Nous, Iraniens, avons perdu notre temps et notre dignité depuis 1979. Après avoir suivi docilement le chemin des ayatollahs, nous célébrons la folie de la mort. Les ayatollahs prêchent que Mohammad nous a interdit l’adoration des idoles. Nous chiites iraniens avons érigé une statue à Hussein pour l’adorer comme une idole, un totem. Aujourd’hui Ashoura est un spectacle et une cacophonie pitoyables. Nous avons oublié le message: la recherche de la liberté, la volonté de se dresser contre la tyrannie et la protection les droits des plus faibles d’entre nous.
Ici, nous republions les photos copiées des sites de la presse iranienne. Est-ce qu’un jour ces tristes photos seront remplacées par des images joyeuses de gens en paix avec eux-mêmes et le monde?
Regarder ces images est fastidieux, mais elles racontent une histoire: l’histoire d’une nation à courte vue et incapable de construire un avenir pour ses enfants. L’essentiel est que nous ne pouvons pas progresser et construire notre pays, si nous sommes occupés à critiquer les défauts de tout le monde, sauf les nôtre.