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Iran: Medias la Honte

Iran-Propagande-Medias
Titre des journaux Iraniens, 11 Février 2015: Cocoricos, propagandes
Face aux journalistes honnêtes, il existe en Iran un journalisme pourri répandant le mensonge d’état et appliquant la censure. D’eux on parle peu.

Iran: Medias la Honte

Nous soutenons Reporters sans Frontières, nous soutenons The International Consortium of Investigative Journalists  et aussi les journalistes free-lances et courageux… et tous ceux qui connaissent leur métier avec honnêteté et panache en dehors du carriérisme.
Mais face à eux, dans les pays sous la dictature Islamique, tel que l’Iran, existe un système de journalisme pourri qui répand le mensonge d’état et s’empresse pour appliquer la censure. De ceux-ci on en parle que très peu.

Journaliste iranien! Qui es-tu?

Rappel: les médias sont des outils destinés à ouvrir l’esprit des citoyens, susciter la curiosité, amuser, faire rire ou pleurer. On apprend beaucoup, on réagit. Une démocratie se construit sur les convictions des citoyens et leur obstination à les faires aboutir. La protection des libertés acquises nécessite une vigilance constante. Les médias sont les fils qui tressent la démocratie et réunissent les citoyens pour la protéger. Laissés aux mains d’une dictature et ses intérêts, les médias lacèrent la société et abandonnent les citoyens aux viles rumeurs.

Toi, journaliste iranien, Qui es-tu? Qui informes-tu?

Depuis que le chiisme a été officiellement reconnu religion d’État au 16ème siècle, les ayatollahs ont cultivé le despotisme domestique, celui qui tue la libre pensée de l’individu pour l’assujettir à l’obéissance aveugle; ils ont aussi cultivé le despotisme d’État, celui qui enchaîne et déresponsabilise une nation. Dès l’apparition de l’imprimerie, suivie de la radio, de la télévision, et aujourd’hui de l’Internet, les médias en Iran sont l’affaire du régime en place, qui les paie et fixe leur mission: consolider le Leader, faire fi des critiques et bloquer l’évolution de la société et du politique. En 2014, les médias iraniens sont une formidable machine de désinformation. Tous ceux qui y gagnent leur pain, du reporter au webmaster, du cameraman à l’imprimeur, en passant par le photographe et le graphiste … tous se disent journalistes, comme toi. Tous, des dizaines de milliers, sont des petites mains sous la tutelle tatillonne des ministères de la censure et de la propagande. Comme toi. Aussi méprisable que soit sa besogne, le jeu du censeur-propagandiste du ministère est clair et limpide. Mais toi, journaliste iranien, que fais-tu?

Iran Medias honte
Il est grand temps de changer de style …

Avant 1979, tes confrères ne produisirent que des mensonges et des semi-vérités pour encenser la politique d’un Shah mégalomane. En 1979, entre les deux moments où tu as titré: « Le Shah est parti – Shah Raft » et « L’Emâm est arrivé – Emâm Âmad » tu as eu juste le temps de te faire pousser une barbe, d’enlever ta cravate et de retourner ta veste. Juste à temps pour applaudir un Vali-e Faqih avide de pouvoir et tout aussi mégalomane. Es-tu conscient que tu es le héraut du baratin des ayatollahs? Leur protecteur et leur complice?

Dans n’importe quel pays, l’information est telle le sang circulant dans un corps. Quand mensonges et propagande prennent la place de l’information, le sang s’empoisonne. Les cellules saines sont détruites; le corps et l’esprit se paralysent. C’est ce qui se passe en Iran. Génération après génération, tu es le vecteur des toxines et bloques l’information qui serait salutaire à la démocratie et à la cohésion des citoyens.

Toi, journaliste iranien, qu’apprends-tu à ton public?

Tu n’en a que pour les leaders: Khomeini ne te quitte plus, 25 ans après sa mort. Khamenei fait la une chaque jour que ton Allah fait. Pour toi, ce qui se passe à Téhéran et les inepties proférées par les ayatollahs et leurs ministres suffisent à faire des articles. Tu nous serines la grandeur de nos avancées nucléaires dans des termes digne d’un bêtisier; tes âneries sur d’Islam et ses ennemis sont nauséabondes; tes commentaires économiques navrants ne convainquent même plus un abruti. Quand l’actualité est creuse, ou qu’il faut la camoufler, tu publies des histoires fabriquées … ou pis, tu publies à la une les photos d’homosexuels pendus aux grues et aux pylônes et tu diffuse les confessions publiques à la mode stalinienne… L’infamie.

La pollution létale qui étouffe les villes? Les provinces délaissées et ses habitants? Les produits agricoles saturés de pesticides? … Tu t’en moques. Depuis longtemps, très longtemps, tu as renoncé à nous parler des Bahaï, des Juifs, … des Kurdes, des Arabes … sauf pour les rabaisser. L’inflation galopante humilie les vieux qui s’éteignant dans la misère, les jeunes perdent l’espoir et baissent les bras. Mais tu t’en bats l’œil … La honte.

Enquête? Reportage? Documentaire? Décryptage de l’information et de son contexte? Le tout franc et honnête? N’y pensons même pas. Des publications pour enfants jusqu’aux affaires les plus graves pour le pays, tu les accommodes aux goûts des ayatollahs, comme tes pairs avant toi le faisaient pour le Shah.

Toi, journaliste iranien, quelle est ta vocation?

En ton for intérieur, tu le sais mieux que n’importe qui: en Iran, on devient journaliste un peu par hasard, en attendant de trouver mieux dans un pays miné par le chômage. Tu apprends les ficelles du métier sur le tas, en marchant sur les traces de ceux qui ont une grande expérience de lèche-bottes, aucune de la liberté. L’étroitesse de ton savoir ou/et l’immensité de ton ignorance importent peu, il te suffit de broder sur les discours d’un Prince de l’État et omettre ce qu’il t’ordonne d’oublier. Que reste-t-il d’une vocation de liberté de parole? d’un combat pour la diffusion de l’information honnête, de qualité? d’une volonté de rapprocher les citoyens? Rien.

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Et tes écarts de conduite?

Si quelques hommes de main étaient suffisants au début du 20ème siècle pour punir ton confrère rebelle en cassant son imprimerie, aujourd’hui, c’est toute une machinerie Étatique, ô combien efficace, qui se met en branle pour éliminer les critiques de la tyrannie, mêmes les plus modérées. Tu as en tête les menaces financières et physiques pour toi et tes proches. En général cela suffit pour que tu restes dans le rang.

Révéler les réalités te conduirait à Evin et Kahrizak, pour y laisser ta vie; ou alors tu choisis le chemin de l’exil. De ces destins incongrus, d’autres citoyens iraniens, lambda et sans étiquette, ont leur part. Tout cela n’est qu’une veille rengaine, on la chante depuis la fin du 19ème siècle.

Si tu as le courage, la vocation et la probité de ton métier, tais-toi et va t’en. Le Velayat-e Faqih est irrécupérable, il ne changera pas avec des critiques. Ta vie est précieuse, sauvegarde-la.

Que les rotatives se taisent, que la TV et la radio iraniennes (IRIB) restent muettes, que l’Internet Halal disparaisse du cyberspace … Sans hérauts, la République Islamique n’est qu’une baudruche.

Toi, journaliste iranien, que deviens-tu dans ta terre d’exil?

Où sont des médias crédibles «en exil» entièrement faits par des Iraniens pour des Iraniens? Quelque cinq millions d’Iraniens vivent à l’étranger. Ils aimeraient avoir des informations du pays, dans leur langue. Ils se contentent de la presse internationale et des ragots de leurs proches: des ersatz d’information pour un pays qui fait quatre fois la France.

Notre pays se meurt, il n’est plus qu’une coquille vide. On peut rester inactif et le voir agoniser … ou se battre pour le faire vivre. Toi, journaliste iranien, si tu décides de te joindre à ceux qui se battent, apprends d’abord ton métier: celui de porter le droit absolu de TOUS les citoyens iraniens de parler et d’être entendus par TOUS les citoyens iraniens. Tu respecterais enfin ton audience et serais respecté en retour.

Ayez pitié de la nation qui abrite mille croyances, mais qui est dépourvue de religion.
Ayez pitié d’une nation qui acclame un tyran comme un héros, et juge bienveillant le glorieux conquérant.
Ayez pitié d’une nation qui méprise une passion dans ses rêves et s’y soumet pourtant à son réveil. (Kh. Gibran)

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A considérer :

Journalism in Iran, Hossein Shahidi, 2007, Routeledge
Carnets d’Iran: pp. 214-ss; pp.286 – ss