Résister à l'Islam Politique

Maccarthysme à l’Iranienne

Maccarthysme à l’Iranienne: La théocratie se nourrit de chasses aux sorcières, toute minorité peut convenir. La sorcière à brûler est le double national.

Maccarthysme à l’Iranienne

Maccarthysme : sus au double  national !

La double nationalité a toujours été l’objet de débats animés entre législateurs. Les nations sont fixées dans une zone géographique délimitée tandis que les hommes et les femmes se déplacent entre les pays, soit par force (guerre, famine), soit par choix (mariage ou autres perspectives privées ou professionnelles).
Chaque pays a un faisceau de lois et de jurisprudence pour réglementer la double nationalité. Cependant, tout système juridique est le reflet des politiques et des institutions du pays. Au fur et à mesure que les relations internationales évoluent et que les gouvernements deviennent plus hostiles ou plus amicaux les uns envers les autres, les pressions exercées sur les doubles nationaux augmentent ou diminuent.

En temps de crise ou de guerre entre les pays, les doubles nationaux et les ressortissants d’un pays hostile sont considérés comme des éléments suspects: ce jugement a priori est rarement basé sur une enquête ou des faits. Par exemple, quelques heures après l’attaque du port américain de Pearl Harbor en 1941, des milliers de citoyens japonais-américains ont été arrêtés et emprisonnés dans des camps.

En l’absence de guerre ou de crise majeure entre pays, l’esprit du système politique est derrière les lois qui régissent le sort des doubles nationaux. Aujourd’hui en Europe, de nombreuses personnes, même dans des postes clés, ont la double nationalité, et la liberté de mouvement dont ils jouissent est acquise. Beaucoup sont nés de familles mixtes.
Quelle est la situation du double national issu de deux systèmes politiquement opposés?

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Doubles nationaux trahissent le système puis se cachent derrière leur autre nationalité.

La dictature produit des lois restrictives sur la double nationalité et considère le double national comme un élément suspect en tout temps; alors que le pays démocratique tend à le tolérer et à l’accepter.
Dès 1979 et l’installation de la théocratie à Téhéran, des centaines de milliers d’Iraniens ont fuit le pays pour s’installer en Europe, en Amérique du Nord et en Australie.

Ils se sont mariés et leurs enfants ont automatiquement obtenu la nationalité iranienne. Dès l’avènement de la République islamique d’Iran, il y a maintenant presque quatre décennies, les gouvernements occidentaux ont été qualifiés par les ayatollahs d’ennemis et leur population déclarée corrompue. Malgré les adaptations tactiques et des paroles douces quand les autorités iraniennes les jugent nécessaires, les lignes de propagande, de censure et d’oppression politique n’ont guère changé depuis.
Nous avons déjà longuement écrit sur les doubles nationaux iraniens en Occident et sur la façon dont ils prennent pour acquis la protection de leur pays d’origine occidental quand ils se rendent en Iran.

Certains ont été arrêtés sous de fausses accusations et emprisonnés jusqu’à ce que le gouvernement occidental cède aux demandes des autorités iraniennes.
Quels que soient les assertions des juges iraniens ou les multiples articles de propagande rédigés par les ponts des facultés de droit iraniens, ces arrestations sont politiques.

Depuis le JCPOA (accord nucléaire du 2015), il y a un autre aspect de la double nationalité à considérer : celui concernant ceux qui vivent en Iran entourés de leur famille et qui y mènent une vie professionnelle. Insidieusement et officieusement au début, et depuis peu publiquement, ils sont suspectés d’être des « moyens d’influence de l’ennemi » dans «les institutions clefs du pays» [sic].

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J. K-Ghodousi: «L’Influence de l’ennemie signifie la conspiration de l’étranger pendant la révolte des élections présidentielles de 2009.» [sic]

La théocratie iranienne se nourrit de chasses aux sorcières, toute minorité ou classe sociale peut convenir. Ces jours à Téhéran, les sorcières à brûler sur un bûcher sont les doubles nationaux résidents.

En un mot, ils sont considérés comme des espions (la cinquième colonne) par les fonctionnaires du ministre de l’information et du parquet. La majeure partie de ce qui est dit dans les discours, soit ceux du Guide Suprême, Ali Khamenei, soit ceux de l’un de ses sbires, et les questions posées au ministre de l’information au Parlement (Majles) sentent les théories conspirationnistes et la paranoïa.

La nouvelle répression interne iranienne est basée sur l’éradication des «programmes d’infiltration» des gouvernements étrangers, à savoir les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël. Les autorités estiment que les agents recrutés ne peuvent être que des doubles nationaux. Les cibles précédentes étaient ceux qui visitaient le pays de temps en temps mais vivaient en Occident. Les nouvelles proies sont les doubles nationaux vivant dans le pays : des sorcières et des taupes à éliminer pour la sécurité du pays.

Pour pouvoir survivre, la théocratie iranienne se doit d’éliminer des ennemis, le plus souvent imaginaires.

Personne ne peut raisonnablement spéculer sur la façon dont la politique américaine au Moyen-Orient sera menée par le président Donald Trump en 2017. Pour l’instant, compte tenu des incertitudes, les autorités iraniennes veulent, autant que possible, tirer les bénéfices de la mise en œuvre des clauses de la JCPOA.

Ils gonflent les biceps et sont encore plus radicaux dans leurs demandes. Prudent, Khamenei déclare: «Nous ne pleurons pas ou ne nous réjouissons pas du résultat de l’élection. Toute personne élue est malfaisante. Nous sommes prêts à lui tenir tête.»

Les chasseurs de sorcières

Dernièrement, les «programmes d’infiltration» conçus par les puissances étrangères «démoniaques», (États-Unis, Grande-Bretagne et Israël) ont été discutés au Parlement (Majles) et les moyens de les combattre sont explorés. Régulièrement, les députés demandent à «l’honorable ministre de l’Ordre sacré de la République islamique»[sic] de vérifier les dossiers des fonctionnaires du gouvernement ou des employés du secteur privé afin de repérer les taupes et les sorcières: les doubles nationaux.

hijiDans le rôle des chasseurs de sorcières se trouvent deux élus au Parlement (maccarthysme, version République islamique).

Pour eux, les taupes dangereuses ne peuvent être que des doubles nationaux. Ils ont des «arbres généalogiques maudits» et doivent être éliminés comme «les mauvaises herbes qui infestent les bonnes terres»; l’un des élus, Javad Karimi-Ghodousi se plaît à répéter, ad nauseam, que beaucoup sont formés par des agents des puissances étrangères « démoniaques / خبیث », en particulier les Britanniques.

En fait, jusqu’à présent, une douzaine de ces «agents infiltrés» ont été soit arrêtés, soit licenciés, soit font l’objet d’une enquête en cours. Seront-ils utilisés comme monnaie d’échange plus tard ? Pour l’instant, ils ne semblent être que des cibles faciles pour servir la propagande.
Si l’on cherche les mots-clefs نفوذ دشمن (influence ennemie) ou جهاد اکبر (grand djihad) sur Internet, des dizaines d’articles apparaissent. Ils en disent plus sur le climat propagandiste iranien et sa politique que tout autre article publié en Occident sur les avantages de l’accord nucléaire (JCPOA), ou les reportages « parrainés » sur le tourisme ou toute autre question.

J. K-Ghodousi: “Enemy influence means the conspiracy of revolt during the 2009 presidential elections.”[sic]
J. K-Ghodousi: “Enemy influence means the conspiracy of revolt during the 2009 presidential elections.”[sic]

Petit avertissement: il faut beaucoup de patience et de flegme au lecteur pour parcourir les textes longs et ardus. Il en faut tout autant pour écouter les homélies décousues et interminables des élus, dites dans un Farsi aussi pauvre que le parler des âniers illettrés ou autres vendeurs de ambulants.

Les analyses politiques faites par les élus ne sont que des répétitions des phrases d’Ali Khamenei, le Guide Suprême, faites par des perroquets. Ils parsèment leur discours de quelques anecdotes ridicules sur la personne ciblée. Cette dernière, forcément «ennemie», était présente à un séminaire à Téhéran auquel des étrangers avaient assisté. Ou elle avait pris part à une conférence en Europe et eu un comportement contraire à la morale islamique. Ou elle avait échangé quelques mots avec un «personnage suspect» ou encore fait un commentaire sur une affiche de propagande islamiste.

Des changements? Pas de chance.

Paradoxalement, ceux qui ont été récemment condamnés pour corruption ou détournement de fonds publics ne sont PAS des doubles nationaux. Bien au contraire: ils sont nés au pays, et y ont été élevés et éduqués ! Chacun a été recommandé par un ayatollah.

En Iran, nous aimons les titres ronflants pour nos leaders despotiques: Qiblah de l’univers – (direction sacrée pour le monde), Sa Majesté Impériale, le Roi des Rois ou l’Honorable Leader de la Révolution Islamique, Ayatollah Sayyed Ali Khamenei (le tout dit d’un trait).

La toute-puissance des tyrans durera aussi longtemps que les Iraniens se contenteront de leurs aumônes, qu’ils auront de l’essence pour leurs voitures, qu’ils goberont les fallacieuses promesses des Ta’arof, qu’ils dénonceront les détracteurs de la théocratie, et qu’ils s’aplatiront devant le despotisme et la corruption.

Si l’Iran est privé de l’une de ces conditions, on pourrait envisager une autre révolution … et changer un despote de droit divin pour un autre, aussi longtemps qu’il nous promet la lune. Il se trouvera assez de gens, comme les parlementaires précités, pour lui lécher les bottes. Tout leader cherche la loyauté, quitte à l’acheter. Mais il n’en trouvera que chez des sycophantes médiocres et courtisans.

Dénoncer la tyrannie reste néanmoins un petit pas vers l’égalité des droits et vers un état respectueux de tous ses citoyens. Pour envisager le moindre changement, nous avons besoin de la perspicacité et de la lucidité de gens capables de prendre des décisions consensuelles. Rien ne peut être fait tant que la combinaison de ces conditions reste un vœu pieux, et que nous prenons des vessies pour des lanternes en attendant que le Mehdi, le messie des shiites, sorte de son puits pour nous sauver.

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