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Élections en Iran (au royaume des phallocrates)

Élections 2016: Quel changement ? En trois ans, le Présidant Rouhani a-t-il eu un impact tangible autre que des paroles qui plaisent aux Occidentaux?

Élections en Iran (au royaume des phallocrates)

Les slogans simplistes en honneur d’Ali Khamenei, pour glorifier la soumission à la phallocratie du Velayat-e Faqih se trouvent partout en Iran. En Iran, il ne suffit pas que l’État appelle à des élections pour que ce processus démocratique tienne sa promesse. Les conditions préélectorales déterminent le résultat escompté.
Les élections au royaume des phallocrates, obéissent au diktat de Velayat-e Faqih.
Dans peu de temps, le 10e parlement iranien, élu le 26 février dernier, sera en fonction. Le jour des élections, l’emballement des médias occidentaux pour voir la percée des «réformateurs» et des «modérés» les a conduits à une couverture «live» de Téhéran, surtout des bureaux de vote du nord de la capitale. Les provinces iraniennes étaient off-limites et hors caméra.
En Occident, les médias à la recherche de «bonne nouvelles» ont leur tâche facilitée par la propagande des ayatollahs sur internet: les sites «news» iraniens ont des pages en anglais ou français, les réseaux sociaux sont inondés des messages d’Iraniens (filtrés et produits par Téhéran) qui tweetent, postent sur Facebook, injectent les mots réforme et réformateurs, et insidieusement propagent le soft power/ghodrate narm si cher au Guide Suprême de l’Iran, Ali Khamenei.
Il est le maître absolu d’un appareil de propagande bien rodé, à la pointe des techniques digitales et modes de communication. Ce qui détermine les politiques interne et étrangère s’exprime dans ses discours en farsi. Très peu de médias traditionnels en Europe s’intéressent à lui, il est largement méconnu et ignoré du public européen.
Dès 2013, avec l’arrivée d’Hassan Rouhani sur la scène internationale et la montée de ISIS-Daesh, les médias occidentaux ont été sous le charme du sourire du premier et horrifiés par le barbarisme du second. Le contexte du Moyen-Orient est si incompréhensible et confus que l’on ne sait plus qui fait quoi, qui est allié de qui.
WEF-Davos and RouhaniEn juxtaposant l’image souriante d’un ayatollah dit «modéré» aux drapeaux noirs d’ISIS-Daesh, on se sent un peu rassuré. Le contraste instille l’idée que peut-être au Moyen-Orient, tout n’est pas perdu dans des guerres insensées.
Avec l’Europe aux abois face à la crise des réfugiés, les Etats-Unis empêtrés dans leurs élections, la politique internationale occidentale ne vit que par des dérobades et des décisions à la petite semaine ; il suffirait d’encourager l’ayatollah souriant, payer des milliards à la Turquie, état policier et ambigu, pour reprendre et garder les réfugiés, et constituer une coalition fantôme pour bombarder les jihadistes, afin de trouver une solution. Laquelle? On ne sait pas.
La signature sur les accords nucléaires en juillet 2015, principalement entre les Etats-Unis et l’Iran, JCPOA, a fait miroiter la promesse d’ouvrir le marché verrouillé de l’Iran surtout aux investisseurs européens. Dix mois plus tard, la promesse n’est certes pas tenue.
Quel changement en Iran?
En trois ans, le Présidant Rouhani a-t-il eu un impact tangible autre que des paroles qui plaisent aux Occidentaux?
Rien n’a bougé dans le pays, sauf en reculade. Rouhani reste dans les limites que lui fixe le Guide Suprême et fait ce qu’on attend de lui.
La censure des médias et des livres est renforcée par de nouvelles lois approuvées par le parlement. Le nombre des pendaisons et exécutions en 2015 s’est approché d’un millier. Plusieurs mineurs ont été exécutés, nombre d’entre eux pour des crimes commis par des adultes: parents ou tuteurs. Aux rares et timides rassemblements publics visant à réclamer les maigres salaires impayés, il a été répondu brutalement.
Si on y ajoute les spoliations et les fraudes par les personnalités de l’État, l’emprisonnement des journalistes, des caricaturistes et des utilisateurs imprudents des médias sociaux, la liste des forfaits de la République Islamique de l’Iran devient indigeste. A l’intérieur du pays, même les plus optimistes et les plus enthousiastes sympathisants de Rouhani ont perdu leurs illusions face aux réalités quotidiennes et aux difficultés économiques. De l’argent manque dans tous les secteurs, mais les programmes du nucléaire et des missiles longue portée se développent, les alliés de l’Iran au Moyen-Orient reçoivent leur solde, et l’envoi de troupes pour soutenir Bashar Al- Assad n’est pas un problème.
Quand la constitution d’un pays est basée sur les dogmes discriminatoires de l’islam shiite, que les lois les traduisent en procédures de justice, et que le tout est couronné d’un leader infaillible, les changements ne sont que cosmétiques et font le bonheur des naïfs. Régulièrement, la main de fer revêt de nouveaux gants de velours et ajuste ses paroles sans le céder en rien.
Depuis les accords nucléaires, il est curieux de constater que l’analyste occidental est devenu le meilleur défenseur de la République Islamique. Il blâme les actions des traditionalistes et s’enthousiasme pour les «réformateur».
Pour lui, si l’Iran teste des missiles de longue portée c’est parce que les «traditionalistes» veulent saborder les efforts des réformateurs de Rouhani. Cette argumentation saugrenue omet d’inclure le rôle du Guide Suprême dans les affaires de l’État, ou le minimise. Dans sa présentation théorique,l’analyste passe sous silence la plus petite information quant à la forme, la nature et l’objectivité des «réformes».
Aux dernières élections parlementaires, l’enjeu, ainsi que le décrivent les médias occidentaux, était le nombre croissant des réformateurs et le recul des traditionalistes. Mais que dit le réformateur? A-t-il un programme? Met-t-il en cause, même symboliquement, une parole du Guide Suprême? Se permet-il de critiquer les politiques suivies en défense, en politique étrangère, ou même de questionner les lois discriminatoires sur les femmes et les minorités religieuses?
Continuons à valser avec Ali-Djoun
Depuis 1979, les ayatollahs n’ont pas dévié de la ligne tracée par Khomeiny et n’ont pas perdu de vue leurs objectifs révolutionnaires. Ce n’est pas l’accord nucléaire, JCPOA, qui changera l’Iran ou les touristes tant souhaités pour leur argent qui déplaceront des montagnes.
Les réactions internationales à la répression sanglante des protestataires pour la mascarade des élections présidentielles de 2009 étaient un signal d’alarme pour les ayatollahs. A cela se sont ajoutées, dès 2011, les révoltes arabes pour les convaincre à changer de ton mais pas de cap. L’Iran est une dictature islamique et le restera. Au besoin, on change l’emballage et adopte des paroles lénifiantes pour paraître plus acceptable à tous.
En 2013, le Guide Suprême de l’Iran avait déjà échangé la veste révolutionnaire et l’aspect bourru d’Ahmadinejad contre un président souriant en turban soigné.
Hassan Rouhani, l’homme de l’ombre couvé par le système phallocratique, a été élu par un scénario mûrement réfléchi et soigneusement suivi. La cerise sur le gâteau pour le régime a été le vote mal-avisé des jeunes favorables «aux changements» et largement exploité par les médias.
Bien joué: la population a valsé avec le Guide Suprême.

Yes! Labeik, Khamenei, rigged elections 2016
Yes! Labeik, Khamenei, rigged elections 2016

Les élections parlementaires de février dernier étaient une autre danse orchestrée par Ali Khamenei. D’abord, les candidatures ont été examinées et celles potentiellement problématiques pour le régime ont été écartées. Ensuite, des listes électorales ont été dressées avec des en-têtes alléchants: Traditionalistes, Réformateurs, Indépendants (de quoi??!). Leur conduite a été confiée aux fidèles du régime: les frères Laridjani, Akbar Rafsandjani, entre autres. Dans un pays corrompu comme l’Iran, le label n’est que décoratif. Au besoin, on le changera dans l’indifférence générale.
Le jour des élections, les responsables du régime se sont donné beaucoup de peine pour gonfler le taux de participation et démontrer au monde l’amour de la population iranienne pour son Leader. En pratique, les électeurs n’avaient le choix qu’entre blanc bonnet et bonnet blanc. Et les élections truquées n’ont servi qu’à conserver le même système islamique, phallocrate et pourri qui gouverne l’Iran depuis 1979, avec d’autres mots du soft power. Une petite semaine après la victoire des «réformateurs», la légitimité de rares élues a été mise en cause et des paroles machistes et diffamatoires contre elles ne cessent d’être dites et publiées. Et quand Rouhani, grisé par sa suffisance, parle trop, il est aussitôt remis à sa place par Khamenei.
Le changement en Iran, celui qui compte, n’est certes pas pour demain.
La population pour qui l’apathie et l’indifférence sont un mode de vie et qui au fond d’elle-même a un penchant pour la phallocratie et l’hypocrisie théologique, craint le changement; il est plus simple d’obéir aveuglement et s’adapter aux circonstances plutôt que de vouloir vivre autrement et y travailler durement. Il est plus facile de «tricher» avec les traditions réactionnaires que de vouloir les mettre en cause; elles sont rassurantes pour les esprits paresseux.
A l’étranger, la diaspora a fait sa vie et tant qu’elle peut visiter le pays de temps en temps pour calmer sa nostalgie pathologique et faire du tourisme, elle se fiche de la politique interne en se contentant du peu que les médias occidentaux publient.
Reste une poignée de dissidents réfugiés en occident, des électrons libres, à qui les TJ consacrent occasionnellement moins de 90 secondes. Sans force politique, ils ne dérangent en rien les ayatollahs de Téhéran.
Triste paysage, sombre avenir. Car tout explosera un jour ou l’autre.

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