Image: Poème publié dans Towfigh, 1970’s.
Nous avons changé de contenant politique: monarchie contre république. Mais nos manières sociales n’ont guère changé. Et notre système républicain n’est que la façade fadrée d’une dictature Islamique“N’est-il pas honteux que les fanatiques aient du zèle et que les sages n’en aient pas?” [Voltaire]
Mais où est l’opposition iranienne à la République Islamique? me demandent souvent des interlocuteurs européens. Depuis quarante ans, je leur réponds : «Nulle part ! Les opposants ne sont que de la paille dans la fissure d’un mur en pisé.»
En Iran, nous avons 77 millions de mécontents et de râleurs professionnels et deux millions de mollahs, de pâsdârân et de bassidjis qui les tiennent.
Pour arriver à 80 millions d’Iraniens, il nous manque un million. Ce sont eux les activistes, étudiants, journalistes, écrivains, défenseurs de droits de l’homme, défenseurs de la démocratie ; il y a aussi les partisans du dialogue entre les civilisations, de la justice sociale ; des activistes indépendants, dissidents,détracteurs, des activistes… tous à temps partiel et quand leur digestion le leur permet.
On peut aussi mentionner les Monarchistes ( en voie de disparition) et les modjâhedin – e khalgh (piège pour tout journaliste occidental en herbe) qui sentent le rance des vieux discours des années 1950 à 1980, et qui vivent dans leur petit monde à part. En tout, il y a 97% d’Iraniens qui râlent contre la République Islamique et qui veulent la liberté et la démocratie.
Mais il n’y a même pas mille citoyens sans un passé lourd pour se mettre d’accord sur un programme politique et constituer une cellule crédible. Un parti d’opposition à la République Islamique avec un porte-parole et quelques responsables? Blague et facétie.
Après quarante ans d’une République Islamique désastreuse et notre haute opinion de nous-mêmes, nous n’avons même pas pu accoucher d’un réel groupe d’opposition.
A l’intérieur, le hezbollah est l’unique parti politique. Pour être crédible, on parle de nos jours de «modérés» et «radicaux» sans que modifie les fondement politique du pays.
À l’extérieur, une petite minorité de la diaspora se divise en minuscules coteries pour boire le thé et discuter des dernières rumeurs en provenance d’Iran. Le tout à voix basse, avec des airs de conspirateurs; persuadés qu’ils sont de détenir «La Vérité».
Il y a, peut-être, 0,2% d’électrons libres, des hommes et des femmes en opposition solide et intelligente avec la République Islamique, de véritables adversaires des mollahs . Des personnes à qui on dit de la fermer quand ils ouvrent la bouche. Les Occidentaux ne les aiment pas, parce que ce qu’ils ont à dire ne colle pas à ce qu’ils croient savoir sur l’Islam et sur l’Iran. Parfois, les Iraniens affectionnent ces électrons libres mais à distance et avec précaution. Car leurs opinions perturbent les pensées conformistes de leur petite vie pépère faite de Ta’arofs. Ces électrons libres forcent l’Iranien à se poser des questions sur lui-même, et l’Iranien déteste cela.
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Que peut faire 0,2% de 80 millions d’Iraniens, mains vides, poches vides et sans soutien ?
Mais restons avec nos soi-disant activistes, ces Iraniens docteurs es palabres, auto-satisfaits et arrogants. Avec leur ego démesuré, ils mangent le pain au prix du jour, bloguent ou tweettent quand l’envie les en prend, s’attardent sur des détails sans intérêt et surannés, et déclenchent des pétitions infantiles sur Internet. Avant même d’entrevoir les perspectives de changements politiques en Iran, ils se voient déjà en ministres.
De ceux-là, nous en avons treize à la douzaine. Parfois, je compatis avec le désarroi des journalistes européens et leur incompréhension abyssale, mais non avoué pour ce qui est des événements en Iran.
Nous n’avons pas une seule tête d’affiche d’opposant, notre incurie est affligeante. Il n’y a personne, personne, à interviewer qui puisse s’exprimer au nom d’une opposition crédible, viable et active.
Et avec ce néant, nous voulons la démocratie pour tous, la liberté pour chacun… mais comment?
شتر در خواب بیند پنبه دانه Le chameau rêve de graines de coton!
Cela fait quatre décennies que nous produisons des étoiles éphémères qui ont des idées, parfois brillantes.
Puis, elles font trois petits tours et s’en vont. Car nous n’avons pas de convictions à défendre. Se conformer comme des caméléons au qu’en dira-t-on est notre seule façon de faire dans la vie.