En 2006, le président iranien Ahmadinejâd témoigna : «La liberté en Iran est proche de l’absolu. »
Les protestataires morts sous les tirs des mercenaires de la République Islamique, ceux jetés au mitard et les millions d’Iraniens surveillés et restreints dans leur usage du téléphone, du mobile et d’Internet, apprécieront, même aujourd’hui.
Depuis 1979, la forme de la répression est différente mais le fond n’a guère changé.
E.M. Forster écrivait en 1940:
J’ai trois raisons pour croire en la liberté.
En premier lieu l’écrivain lui-même doit se sentir libre, ou il lui sera difficile de d’avoir un esprit créatif ou de faire du bon travail. S’il se sent libre, sûr de lui-même, sans crainte, avec la paix intérieure, il est dans une condition favorable pour créer.
La deuxième raison concerne l’écrivain mais aussi les artistes en général. Il ne suffit pas de se sentir libre ; ce n’est là qu’un début. Se sentir libre est peut-être suffisant pour un mystique, qui peut fonctionner seul et méditer même dans un camp de concentration. L’écrivain, l’artiste a besoin de quelque chose de plus – à savoir la liberté de dire à d’autres ce qu’il ressent. Sans cela il est étouffé et ce qu’il intériorise va pourrir. Et, c’est là que les problèmes commencent.
Les Nazis s’avancent et disent : « Un moment, s’il vous plaît. Permettez-moi, à moi le gouvernement, d’être le premier à écouter ce que vous voulez dire. Si je juge votre discours acceptable, vous pouvez parler, mais pas autrement. »
Les Nazis n’empêchent et ne peuvent empêcher la liberté de penser et de ressentir […], ils ne peuvent interférer. Mais ils peuvent empêcher la liberté de se propager, et ils le font. Ils vous apostrophent et disent :
« Avant de publier votre livre, avant de montrer vos tableaux, avant de chanter vos chansons, je dois lire, regarder et écouter. »
Et la conscience de savoir qu’ils peuvent le faire a un effet désastreux sur l’artiste. Il n’est pas comme le mystique ; il ne peut pas fonctionner dans le vide, il ne peut pas faire tournoyer des contes dans sa tête, ou peindre des tableaux dans l’air ou chantonner en sourdine.
Il doit avoir une audience, il doit exprimer ses sentiments, et s’il sait qu’il lui sera interdit de s’exprimer, il aura peur de ressentir. Les agents gouvernementaux, même quand ils sont bien disposés, ne se rendent pas compte de ce facteur. Leurs valeurs sont si différentes. Ils présupposent que quand un livre est censuré, seul le livre en question est concerné. Ils ne se rendent pas compte qu’ils ont détruit le mécanisme de créativité dans l’esprit de l’écrivain et l’empêchent d’écrire de bons livres à l’avenir. Voilà deux de mes raisons pour croire que la liberté est nécessaire à la culture.
La troisième raison concerne le public en général. Le public de son côté doit être libre pour lire, écouter et regarder. S’il est empêché de recevoir le message que l’artiste lui envoie, il devient inhibé comme l’artiste, mais de manière différente : il reste immature.
Et l’immaturité est la caractéristique majeure du public dans l’Allemagne nazie. Si vous regardez une photo de nos ennemis, ils peuvent vous étonner par leur compétence, leur bravoure, leurs exploits, même leur héroïsme. Mais ils ne vous impressionneront pas par leur maturité. On ne leur a pas permis d’entendre, d’écouter, ou de regarder. Seuls les peuples qui ont joui de la liberté peuvent avoir le regard d’un adulte dans les yeux. »
E.M. Forster, Two Cheers for Democracy, 1965, London, Penguin Books. pp.42-43